Altamira le 11 décembre 2001

 

 

A tous

 

Il m’a fallu plus d’une semaine pour trouver l’énergie de me mettre à écrire ! La chaleur est pesante, l’hiver n’est pas encore là même si la nuit de mon arrivée un orage de tous les diables nous a fait croire qu’il était proche. Habituellement le changement de saison se fait en décembre. Tout le monde attend donc l’hiver, mais un hiver tout relatif, qui ne fera pas beaucoup baisser la température, mais augmentera encore l’humidité avec les pluies torrentielles qui viendront plusieurs fois par jour et pour un moment rafraîchir un peu l’air.

Mon départ de Paris a été un peu aventureux et même éprouvant, jusqu’au dernier moment je ne savais pas si je partais. L’avion d’Air France pour Cayenne avait huit heures de retard et cela me faisait perdre la correspondance prévue pour Belém et la prochaine n’était que trois jours plus tard. Alors que faire ? Par le plus grand des hasards (un avion en retard à Manaus pour Dominique et une liaison Internet trouvée en errant dans l’aéroport !), j’ai pu le prévenir de ce retard (merci Internet !) et des questions métaphysiques que je me posais quant à ma date de départ. Il a pu me téléphoner par bribes (Anne en est témoin !) et m’a dit qu’il y avait une petite compagnie absente de tous les terminaux et qui faisait la liaison Cayenne Belém le lendemain. Alors j’ai risqué le tout pour le tout, et au lieu de continuer à discuter avec Air France par téléphone, j’ai décidé de le faire directement à Orly. Les discussions ont été longues, on m’a baladée de guichet en guichet, ils ont envoyé des Fax à Cayenne pour savoir si on pouvait me réserver un hôtel, la réponse a mis du temps à revenir : on m’assurait une nuit et ensuite à moi de me débrouiller et le changement de compagnie ne semblait pas du tout assuré pour le lendemain. Enfin, ils m’ont fait embarquer, l’avion a fini par décoller, il était dix-huit heures trente. Le vol s’est bien passé, j’ai pu dormir un peu . Vers onze heures du soir heure locale, nous nous sommes posés à Cayenne. Pendant que je passais la police on m’a appelée pour me dire qu’un accueil Air France m’attendait, j’ai pris mes bagages, passé la douane et suis partie à la recherche du guichet Air France. Qui j’ai vu en tête dans la rangée des personnes venues accueillir leurs proches ?  Je vous le donne en mille : Dominique ! Quand j’ai su que j’embarquais, j’avais eu le bon réflexe de laisser un message à Gwenaëlle pour le lui dire. Dominique a aussi eu le réflexe de l’appeler et a pu alors embarquer de Belém pour Cayenne. J’avoue que j’avais rarement été aussi heureuse de le voir ! … Résultat de tout cela : nous avons eu l’opportunité de passer un week-end de retrouvailles à Cayenne, 24 heures aux frais d’Air France (si je m’étais mieux défendue et surtout si j’avais du rester toute seule j’aurais pu exiger les trois jours !) et nous sommes partis pour Belém le lundi après-midi. Le passage à la police et à la douane a été pénible et long comme d’habitude. Je me suis fait remarquer avec mon ordinateur portable tout rutilant de nouveauté ! difficile de prouver qu’il était usagé. C’était une douanière, elle me l’a fait allumer, m’a demandé de chercher quelques dossiers personnels, heureusement que je m’étais un peu familiarisée avec et que j’avais eu le temps de copier quelques fichiers. Elle voulait surtout me mettre à l’épreuve et voir si réellement j’étais capable de l’utiliser personnellement comme je le prétendais. Apparemment je l’ai convaincue et elle m’a laissé passer . OUF ! …

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Nous avons tout de suite pris un petit avion pour Altamira, et nous sommes rentrés chez nous ! … Le confort ne s’est pas beaucoup amélioré, mais je savais ce qui m’attendait et je n’ai pas eu le choc de la première fois. Me voilà résignée.

Depuis mon arrivée, je n’ai pas eu beaucoup le temps de souffler. Moi qui me plaignais de la « stagnation » d’Altamira, là les choses ont évolué. Dominique a son bureau chez lui maintenant et cela fait venir du monde. Mon premier après-midi j’étais embarquée dans une formation des indiens des villages, pour leur apprendre à défendre leurs droits au système de santé. Le cours a duré deux jours, j’y ai appris des tas de choses et surtout j’ai pu voir la réalité. Les choses ici sont loin d’être simples, surtout pour les indigènes. J’ai rassemblé des informations que je voudrais encore compléter et je vais essayer de faire un reportage sur le sujet. J’espère avoir l’opportunité d’aller visiter un village pour voir la réalité d’encore plus près. On appelle ici « village » les endroits où vivent les tribus indiennes. Il y en a beaucoup le long du fleuve Xingu et de la route transamazonienne. Certains sont en contact avec les blancs depuis plus de 500 ans mais d’autres le sont seulement depuis quelques années. Il y avait dans le cours, quelques uns qui n’avaient eu le premier contact qu’en 1996.

Puis vendredi, nous sommes partis en avion à Santarém où Dominique avait prévu de travailler tout le week-end à la maison familiale. Heureusement, les personnes avec qui il avait rendez-vous n’étaient pas du même avis et il est resté disponible samedi soir (où j’ai eu le droit à une repas spécial anniversaire !) et dimanche que nous avons passé à la plage à Alter do Chão, endroit paradisiaque sur le fleuve Tapajos.

Le lundi aux aurores nous avons pris un bus plein à craquer pour aller à la maison familiale où devait se dérouler une présentation sur la plantes médicinales. Sitôt arrivés, on m’a enrôlée pour monter un ordinateur tout neuf que personne ne semblait savoir par quel bout prendre. On a l’impression que dès que quelqu’un d’une quelconque compétence et de bonne volonté se présente, il y a à faire. On sent la misère des ressources. Lors de la prétendue présentation sur les plantes médicinales, je n’en ai pas entendu beaucoup parler, c’était très doctrinal et d’un niveau assez élémentaire. Enfin au grand bonheur de Dominique j’ai fait une halte dans le cadre de son activité de terrain et j’ai pu constater combien d’énergie il brûlait pour essayer de faire bouger des choses assez inertes.

On a repris l’avion mardi matin pour Altamira.

J’aurais préféré rester à Santarém qui est une très belle petite ville au confluent de l’Amazone et du Tapajos. Les eaux jaunes de l’un et bleues de l’autre se côtoient pendant des kilomètres avant de se confondre. Quand je suis revenue à Santarém le lundi soir avant le coucher du soleil, la ville croulait sous le rose. C’était « glorieux » ! En Amazonie, les villes fluviales ont une longue histoire et ont donc plus de cachet qu’une ville comme Altamira qui est née de la construction de la transamazonienne dans les années 70, avec tous les artifices et dégâts que cela a pu entraîner.

Depuis mardi j’essaye de trouver le temps pour terminer cette première lettre, mais j’ai encore été enrôlée dans des réunions de préparation du budget de santé 2002 pour les indigènes. Je me suis retrouvée à construire à la hâte des graphiques sur Excel et à les présenter sur des transparents. Ce ne sont pas des vacances, mais je suis contente d’avoir cette opportunité d’apprendre beaucoup, de les aider et de me sentir utile. Je retrouve là les problèmes cruciaux de santé publique qui m’avaient été enseignés à l’ENSP, mais qui vus de France paraissent de nos jours anecdotiques.

Je vais m’arrêter là, avant qu’on revienne me faire signe.

A la prochaine.

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