Altamira le 02 janvier 2002

 

Nous voilà revenus de 15 jours de voyage : une semaine dans le Maranhão et une semaine à Marajó.

Départ pour São Luis le 19 au matin, après le survol du barrage de Tucurui, surprenant en plein cœur de la forêt amazonienne, l’après-midi passé à Imperatriz à attendre une correspondance pour São Luis. Ce doit être le centre de l’enfer tant la chaleur est oppressante ! Balade dans des centres commerciaux qui, pour celui qui arrive d’Altamira, paraissent faire partie d’une autre planète ! L’air conditionné et une glace à l’acaï nous rafraîchira pour un moment. Arrivée à São Luis vers onze heures du soir, un taxi nous amène dans un centre ville complètement endormi et là, Dominique, très pressé d’aller retrouver ses petits camarades qui sont à l’autre bout de la ville, me dépose dans un hôtel qu’il dit connaître pour y avoir déjà séjourné et où il a réservé par téléphone. Et là commence une nuit d’horreur ! Je suis dans un vrai trou à rat ! Draps et surtout taies d’oreiller d’une propreté plus que douteuse. Aucune ouverture vers l’extérieur. Je me sens très oppressée. C’est une très vieille bâtisse qui doit dater de l’arrivée des Portugais au 16ème siècle et qui n’a pas du être restaurée depuis. Cela ne manque pas d’intérêt historique ! mais pour y dormir c’est une autre paire de manche ! j’entendrai toute la nuit une bête grattant sous mon lit : j’allume, je fais du bruit pour la faire fuir, j’éteins, j’essaye de m’endormir, rien à faire. J’aurai au matin presque terminé mon livre passionnant « Rouge Brésil » !  Nuit sans fin, j’attends avec impatience une heure décente pour aller réclamer à la réception. Ils n’ont fait aucune difficulté pour me changer de chambre, ce n’est pas de veine, car dans le cas contraire j’aurais changé d’hôtel. Il y en a un autre juste mitoyen ! Je me retrouve dans une chambre avec fenêtre au premier étage, mais suspendue presque par miracle dans les airs, tant les parquets de bois semblent fragiles. La propreté est encore plus douteuse, le garçon souffle un peu sur les meubles avant de déposer ma valise !

Je resterai dans ce trou jusqu’au retour de Dominique le soir vers 18 heures ! Il aura quand même quelques remords car vers 13 heures il me téléphonera pour me dire qu’il s’est trompé d’hôtel et que c’est l’hôtel voisin qu’il connaissait ! j’avais payé pour le savoir ! Quand il rentera on paiera une journée et demie (ils n’ont fait aucune difficulté et je crois qu’ils n’ont toujours pas compris pourquoi on était descendu chez eux ! …) et on ira se prendre une chambre très sympa dans l’hôtel voisin. Vous imaginez la rage que j’ai ressentie en découvrant un superbe patio plein de plantes et de fraîcheur où j’aurais pu vivre une attente paisible ! Il est vrai, à la décharge de Dominique, que l’un des hôtels, le premier, s’appelle « Solar Imperial » et l’autre « Solar dos nobres » ! L’empire n’est plus ce qu’il était, reste la noblesse du coeur !

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J’ai quand même essayé de visiter un peu la ville en attendant Dominique. Je n’avais aucune idée d’où j’étais. La ville est très portugaise, avec des rues petites et pentues et des maisons d’azulejos, mais le quartier de l’hôtel est encore très peu restauré. Je vais marcher, marcher sous le soleil de plomb dès 10 heures du matin. Je cherche en vain une alimentation pour me procurer surtout de la boisson. Les rues sont bondées de monde, des publicités vivantes et très sonores, les guident pour leurs achats de Noël. Mais je ne vois pas l’ombre d’un magasin d’alimentation. Il semble qu’ici les gens ne mangent pas. Voilà plus d’une heure que je tourne en rond. Un moment je tombe par hasard sur un grand centre commercial souterrain qui me rappelle un peu ceux de Montréal. Je rentre et c’est un autre monde, un contraste incroyable entre dehors et dedans : air conditionné, boutiques de luxe, autres types d’humanoïdes ! Je vais y rester un petit moment pour essayer de diminuer un peu la pression que la chaleur me porte à la tête ! Mis à part des marchands de hamburgers, je n’y vois rien qui pourrait rafraîchir mes papilles. Je découvre finalement une agence de voyage qui me donne un plan de la ville et m’explique où trouver un supermarché. Quand enfin j’y arrive, j’achète 3 litres d’eau et retourne le plus vite possible sous la chaleur de plus en plus accablante me réfugier dans mon trou à rat pour attendre Dominique.

Il est enfin arrivé, nous avons changé d’hôtel, nous avons pu voir un peu de la vieille ville et du bord de mer à la fraîcheur de la nuit tombante. Avec une bonne tarte à la crevette et au crabe sur une terrasse face à la mer, je me suis sentie remise. Nous étions tous deux en vacances !

Le lendemain, un petit déjeuner copieux et plein de fruits, un temps pour visiter le centre de la ville historique, qui rappelle Salvador. Maisons portugaises toutes restaurées et riches en couleurs, beaucoup de boutiques d’artisanat. Défiant tout anachronisme, un cybercafé d’où quelques heureux ont droit à nos messages, puis une librairie (inconnue à Altamira) où je peux me trouver un autre livre, puisque j’ai fini « Rouge Brésil » !

En début d’après-midi, bus pour Barrairinhas, petite ville de pêcheurs, entrée du « parque dos lençois » ou « parc des draps », objectif de notre visite. Nous avons la chance de presque inaugurer la nouvelle route asphaltée qui rend luxueux un voyage qu’on nous avait promis d’aventure. Au lieu des 8 heures prévues dans les guides, il faut un peu plus de 4 heures, même si le bus s’arrête dès que quelqu’un fait signe.

A Barrairinhas nous prenons pension à la « Pousada do Senhor Lopez », recommandée par l’hôtel de São Luis (plus de risque hasardeux !). Endroit sympa construit à la mode indienne avec une grande « malouca », pièce ouverte couverte de paille, entourée de petites paillotes individuelles. Juste le temps en arrivant de profiter du soleil couchant, petite promenade sur la grande dune du village avec un bain dans la rivière pour Dominique. C’est une petite ville toute propre et toute mignonne, où les gens sont très hospitaliers. Nous cherchons à nous renseigner pour des excursions pour le lendemain, mais tout le monde semble déjà au courant de notre arrivée et que tout est déjà prévu. Le téléphone arabe fonctionne très bien ici ! Il semble que les touristes soient complètement pris en main dès qu’ils arrivent ! mais cela se fait sans aucune contrainte ni agression. Pour se déplacer, il faut absolument se faire assister. Aucune route signalée. Seuls des 4x4 dans le sable ou des bateaux sur la rivière le permettent. Le soir, après avoir mangé une « mariscada » (espèce de ragoût de fruits de mer) nous pouvons aller dormir sur nos deux oreilles.

La vie semble cool ici et on doit vite perdre la notion du temps. Quand on se présente à l’heure indiquée le lendemain pour la randonnée prévue, on s’en rend bien compte. La randonnée sera celle que permet le nombre de touristes que l’on réussira à rassembler et se fera à l’heure où on sera sûr de les avoir tous ! soit « Toyota » sur le sable pour aller aux dunes, soit « voadeira » (petite barque) pour aller à Caburé, village de pêcheur à l’embouchure de la rivière « Preguiça » (paresse). Finalement, le premier jour ce sera la Toyota. Ils ont réussi à rassembler une bonne dizaine de touristes, en majorité Brésiliens, mais aussi, en plus de nous un couple de Français, qui ont aussi peu envie que nous de parler français. On s’ignore plutôt ! Dominique et moi, profitons du respect du à notre grand âge, pour partager la cabine avec le chauffeur. Les autres sont tous assis derrière sur des sièges assez rustiques.

La prétendue route est constituée de deux ornières creusées dans le sable. Ça secoue un maximum, mais pas plus que sur la transamazonienne !

Une rivière à traverser grâce à un bac actionné à bras d’homme, les plus forts aident les deux préposés à tirer sur la corde, une seule voiture à la fois !

Quelques 25 kilomètres dans le sable gris, une végétation épaisse d’espèces ne craignant pas la sécheresse : des vergers de cajueiros (arbre à cajous) constituent la grosse source de production. Des villages perdus faits de petites maisons de pisé recouvertes de palmes ; des écoles proprettes ; des postes de santé ; des terrains de football dans le sable (toujours très fréquentés !). Ça secoue de plus en plus, un balancement qui ressemble au roulis d’un bateau sur une mer déchaînée ! Le chauffeur fait ce chemin à longueur d’année. Il connaît chaque cahot, chaque tournant, chaque trou d’eau où le camion s’engouffre le plus vite possible pour en ressortir encore plus vite. Tout en s’appliquant à la conduite, il nous raconte sa vie. Il est originaire d’Altamira ! Que la monde est petit ! Du coup c’est comme si nous étions parents !

La végétation devient de plus en plus touffue et aride à la fois. Tout à coup, un énorme mur blanc de 10 mètres nous fait barrage : les dunes ! On s’arrête sur une aire prévue, où déjà plusieurs toyota brûlent au soleil de midi. Il va falloir grimper ce mur : sans chaussure. Le sable qui de loin paraissait brûlant, est agréablement tiède et doux. Une corde aide à se hisser, mais il faut s’arrêter tous les trois pas pour reprendre son souffle. L’ascension valait la peine ! De la cime, un paysage fantastique, un désert sans fin, pas la moindre trace de végétation, des dunes blanches se répètent à perte de vue séparées par des lacs où l’eau laissée par les pluies est d’un bleu intense. Un vent fort rafraîchit le sable que nous foulons pendant une quinzaine de minutes jusqu’à la plus grande lagune « laguna bonita ». Le spectacle est, paraît-il plus impressionnant en saison des pluies. La saison sèche se termine et seules les plus grandes lagunes sont encore emplies d’eau, les autres sont desséchées. Le spectacle vaut tout de même le déplacement et ce voyage éprouvant ! …

Une eau émeraude, transparente. Tout le monde s’y jette avec délice ! D’autres groupes de touristes sont déjà installés, mais la place est suffisamment spacieuse pour tout le monde. On va passer là quelques heures, les quelques sandwiches préparés ce matin sont les bienvenus. Le groupe se disperse et chacun peut s’inventer son aventure, marche ardue sous le cagnat, perdu au milieu du désert ! Dominique exige de se baigner dans toutes les lagunes alentour dès lors qu’elles ont l’eau suffisante. Le soleil cogne, et est d’autant plus traître que le vent souffle fort. Respectueux de sa sieste, Dominique endormi le ventre à l’air, s’en rappellera la nuit suivante ! Moi je  n’arrête pas de me badigeonner de crème écran total et malgré cela j’aurai aussi les jambes et surtout le dessus des pieds brûlés. Le retour est plus silencieux que l’aller, tout le monde s’est fatigué au grand air. Ça secoue toujours autant, ce qui n’empêche pas Dominique de ronfler. C’est injuste et écœurant, quand pour d’autres le sommeil est dur à trouver même la nuit, dans un bon lit ! …

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Le lendemain nous embarquons dans une voadeira avec un couple de Brésiliens et un Australien baroudeur qui habite Georgetown ( Guyane Anglaise). La balade sera très agréable, bien plus que celle d’hier. Descente du fleuve « Preguiça » (paresse) qui doit sûrement son nom aux nombreux méandres qu’il fait avant son embouchure, comme s’il se refusait le plus longtemps possible à la mer, préférant tous les coins sauvages et verdoyants qu’il traverse. Il fait encore très chaud, mais l’air est bien plus respirable sur l’eau. Le bateau prend aussi le chemin des paresseux, suivant les mangroves à perte de vue, empruntant quelques igarapés, petits affluents encore plus sauvages. Soudain se dressent d’énormes dunes émergeant de mers de verdure et dans lesquelles se perdent quelques cahutes de pêcheurs. Un accostage pour escalader une dune ; un autre pour visiter le phare entouré d’un petit village où des bandes de gamins adorables nous accueillent : 200 marches à monter pour atteindre le sommet (c’est moins dur que d’escalader les dunes !). La récompense est une vue superbe sur toute la région. Dernière escale : Caburé, petit village de pêcheur à l’origine, mais maintenant aussi équipé pour les touristes : pousadas, restaurants, chalets des vacances. Le tout couvert de chaume. Le village est situé sur une lagune bordée d’un côté par la rivière et de l’autre par l’Atlantique. Le bain se fait au choix dans l’eau douce ou dans l’eau salée. Nous choisissons les rouleaux de l’océan. Un vrai régal, un eau chaude qui vous fouette et vous mettrait un sumo parterre ! je n’avais pas connu cela depuis l’Algarve, au Portugal, il y a bien longtemps !

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Puis c’est le retour, plus direct à Barrairinhas dont nous allons devoir nous séparer. Le retour à São Luis sera plus rapide aussi en « van » (combi améliorée). Une courte nuit nous attend dans le bon hôtel ! Demain matin nous rentrons de bonne heure à Belém.

Le programme suivant prévoyait un retour à Altamira, mais à l’aéroport, nous allons décider (d’un commun accord !) d’aller plutôt passer la semaine à l’île de Marajó. Après un réveillon de Noël dans une chambre d’hôtel à Belém, nous prendrons le bateau à sept heures du matin à Belém et  retrouverons notre chambre attitrée à Soure et reprendrons vite nos habitudes : siestes ou lectures dans le hamac ; quelques balades en barques ; plages en vélo ; vols de guarás (ibis rouges) au soleil couchant. Un repos bien mérité !

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