Altamira le 03 Janvier 2001

     

Vous pensez que je vous décris là le chemin de l’enfer, mais au final, ça valait la peine ! En découvrant la ville de Salvador et la " Bahia de todos os santos ", on oublie tout et on se demande vraiment comment on a pu vivre jusqu’alors sans connaître une telle merveille. Nous arrivons le 25 au soir, jour de Noël. C’est féerique. La ville haute est un vrai arbre de Noël, une foule très familiale fait la queue, qui pour visiter les expositions de crèches, qui pour manger des plats servis par des Bahianas en costume. Un vrai carnaval de crèches vivantes, enfants et adultes suivent en dansant la samba : plusieurs écoles défilent plus exotiques les unes que les autres. Toutes les façades du Bahia historique sont illuminées. J’ai retrouvé avec émotion le décor de " Dona Flor et ses deux maris ".

Toute la littérature de Jorge Amado me suit au cours de ces quelques jours à Salvador. J’en profite d’ailleurs pour compléter ma collection de quelques titres anciens que je n’ai pas encore lus.

Le lendemain dès le lever du soleil, je retourne dans les mêmes rues, pour faire des photos. Mais toute la magie a disparu : les rues vides, les illuminations éteintes, quelques balayeurs remettant les choses en ordre. C’est une autre ville, mais sans doute plus réelle que celle découverte la veille. Je renonce vite à mon ambition de vouloir tout saisir dans mon objectif. J’ai le sentiment que la ville ne peut pas et même n’aime pas être photographiée. Quelques morceaux du puzzle imprimés sur du papier photo ne permettent absolument pas de recréer ce que l’on y ressent : c’est un tout, un ensemble de sensations : odeurs, couleurs, bruits. Il faut y être et ensuite se rappeler.

     

Nous restons quatre nuits à l’hôtel Chile, tout près de la ville haute, partie la plus restaurée et la plus touristique. De la fenêtre, pleine vue sur le port et sur la baie, avec au loin le profil de " Nosso Senhor do Bonfim " (une des nombreuses églises célèbres de l’endroit). Un ascenseur impressionnant (colonne de 85 m, inauguré en 1868 !... il a quand même été modernisé depuis, la première version fonctionnait à vapeur) nous emmène de la ville basse à la ville haute pour 5 centimes. La ville est très hétéroclite et pleine de vie, les gens sont très souriants et semblent bien dans leur peau. Le vieux et le moderne se côtoient, mais aussi la richesse et la misère. Les mendiants sont plus nombreux que dans les rues de Belém. C’est une des premières choses qui me frappe. Juste le noyau ancien de la ville haute est très bien restauré : le Pelourinho. Mais dès que l’on quitte les artères principales, on longe des maisons tout aussi typiques, mais vraiment délabrées (on se demande comment elles sont encore debout), et aussi, de nombreuses églises en ruines entretenant toute une végétation.

     

Notre grande occupation pendant ces quelques jours sera la plage. Un système de bus très bien organisé et bon marché nous emmène partout. Sur les plages, c’est le grand confort. Pour presque rien, des chaises et un parasol loués et les doigts de pied en éventail, cachée derrière mes lunettes de soleil, je ne perds rien de tout ce qui se déroule autour de moi. L’animation est grande, la plage est un vrai supermarché ambulant ! .. On y trouve de tout : pour s’habiller, pour manger, ... Les marchands de " queijinhos " sont sans doute les plus nombreux et les plus jeunes. Ils proposent des petites brochettes de fromage qu’ils font griller sur un genre de mini-barbecue très artisanal, rempli de braises, qu’ils trimballent au bout d’un fil de fer. Le plus jeune que j’ai vu avait à peine 7 ans. Chacun y va de son petit refrain pour attirer le client : de vrais artistes de la communication !... Le meilleur était un marchand de salade de fruits, sur la plage du " Farol da Barra ". En short, débardeur, grand chapeau de paille, une musculation digne de tous ceux qui fréquentent chaque jour le gymnase club ! ... Il a sa petite glacière à la main et recherche qui n’a pas encore goûté sa salade. A côté de moi, une mère de famille et ses trois pré-adolescents lui font signe. Il sort son matériel, incroyable tout ce qu’il a là-dedans. Chaque ingrédient dans un container très précis. Pour chaque enfant il élabore sa salade : véritable oeuvre d’art chacune et à s’en lécher les babines ! ... Il passe bien une demi-heure au total, tout en racontant des histoires et en amusant la compagnie. Chaque salade lui rapporte un real (4 francs). Comment vit cette économie parallèle ?

Sur la plage " Porto do Barra ", je remarque un groupe de beaux mecs qui font les fanfarons en effectuant des pirouettes impressionnantes. Ce sont des danseurs de capoeira. J’ai le malheur de vouloir prendre une photo et me fais remarquer. Un des mecs me poursuit et veut que je leur donne de l’argent. Je réussis finalement à m’en débarrasser. Par la suite, je vais camoufler le plus possible mon appareil et je ne ferai plus de photos de beaux mecs ! ...

Une fin d’après-midi, nous allons faire notre visite à l’église Nosso Senhor do Bonfim, assez éloignée du centre ville sur la péninsule d’Itagapipe. Une vraie cour des miracles. C’est pour nous aussi un souvenir de " Dona Flor ", c’est sur les escaliers de cette église que se passe la dernière scène du film !... Bon on ne s’éternise pas, c’est la chasse aux touristes. On continue à pied vers la pointe de la péninsule, le phare du Monte Serrat et la plage de Boa Viajem (Bon voyage), un peu avant le soleil couchant. C’est magnifique et les cocotiers géants sont impressionnants. Sur la plage, presque les pieds dans l’eau, nous commandons une bière et religieusement nous attendons que le soleil disparaissent dans la baie.

     

Un autre jour, nous prenons un bateau au port, en bas de l’ascenseur, juste au pied de notre hôtel. Destination : Mar Grande, sur l’île Itaparica, Trois quarts d’heure pour traverser la baie. Location de bicyclettes en arrivant, un peu cher, pas en très bon état, mais on n’a pas le choix ! ... Sous un soleil de plomb, balade sur la côte, jusqu’à Barra do Gil avec vue superbe sur Salvador. Il fait chaud, faim et soif, mais la récompense est au bout : une petite paillote " Mar et Cia " (pour companhia je suppose et non CIA !). La muqueca de poisson (genre de bouillabaisse bahianaise) se fait attendre beaucoup, mais elle vaut la patience. C’est le paradis ici, tout le monde vit à un rythme zen, musique que j’aime et douce (au grand dam de Dominique, la tendance partout est à faire gueuler la musique, c’est vrai que ça devient fatigant et ce n’est pas forcément toujours bon) : I Muvrini, Randy Newman (et oui je l’ai retrouvé là), Gal Costa, entre autres. Le patron est Italien : Mauricio. Il me raconte sa vie pendant que Dominique fait la sieste dans le hamac aimablement proposé aux clients! .. Il était économiste à Rome, puis quand son père est mort, il quitte tout et court le monde comme reporter, photographe, journaliste. Il connaît tous les grands de la photo de mode. Il a construit lui-même sa paillote et la superbe villa qui la côtoie. Il fait en ce moment un livre de photographies sur le thème d’enfants nés de père inconnu. Enfin, beaucoup de choses que j’aurais aimé ou aimerais faire moi-même. Il a quand même eu la facilité d’être mariée avec une brésilienne et d’avoir des enfants de nationalité brésilienne, pour pouvoir rester et s’installer. On passe dans ce paradis une bonne partie de l’après-midi, se plongeant dans la mer quand la chaleur n’est plus supportable. Le comble : avoir froid pendant quelques minutes, en sortant, tant l’eau est chaude ! retour en vélo pour prendre le dernier bateau vers Salvador et avoir le temps de voir une fois de plus le soleil se coucher dans la mer en sirotant un jus de " cupuaçu " !

Il a fait très chaud ces quatre jours, on a pris un maximum de soleil. Même si le matin était toujours un peu gris et pluvieux, le ciel s’est toujours dégagé l’après-midi.

Hélas, il a fallu le quitter, ce paradis, sans attendre le passage du millénaire, dont on a pu suivre les préparatifs sur la plage du farol da Barra, où se construisait une scène géante pour accueillir mes idoles : Gilberto Gil et Maria Bethania.

J’appréhendais beaucoup le voyage de retour, il s’est plutôt mieux passé et l’horaire a cette fois-ci était respecté. Un moment fort de ce retour a été un magnifique coucher de soleil dans une palmeraie du Maranhão sur lequel je pourrais encore vous en écrire !

BONNE NOUVELLE ANNEE A TOUS

Hélas le retour définitif se profile déjà et je me défends d’y penser !

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