Salvador
le 23 février 2006
C’est
aujourd’hui jeudi l’ouverture officielle du carnaval à Salvador !
Jusqu’au
déroulement du carnaval, tout est resté mystérieux pour nous. Nous avons
interrogé plusieurs personnes, consulté Internet, lu les journaux locaux. Les
personnes que nous interrogeons sont toutes unanimes pour nous prédire un vent
de folie sur Salvador. Un serveur sur la plage, ne jure que par l’abadá,
(apparemment un tee-shirt) qui constitue le sésame de la fête donnant au folião
le droit d’entrer dans des « blocos » pour participer aux défilés et
se trémousser derrière les trios elétricos. Sur Internet nous trouvons beaucoup
d’adresses et de publicités pour louer des camarotes, acheter des abadás. Les
prix sont très élevés, dans les 300 reais pour une journée, et environ 1000
reais pour toute la durée du carnaval. Au début nous avons cru que c’était la
location d’un appartement sur l’itinéraire d’un défilé. A vrai dire, nous
n’arrivons pas très bien à comprendre en quoi tout cela consiste.
Nous
voyons aussi que les abadás se commandent, par Internet ou par téléphone, mais
ne sont livrés qu’au tout dernier moment pour éviter les plagias ! Nous
verrons des files interminables aux points de vente, les derniers jours avant
l’ouverture du carnaval ! Un peu partout dans les quartiers, on voit des
annonces « reforma de abadás », nous n’avons pas réussi à éclaircir
ce point, les abadás serviraient-ils d’une année sur l’autre ?
Un
bon père de famille nous a expliqué que le meilleur endroit pour profiter de la
fête était le Pelourinho, car là il n’y a pas de trios elétricos et la fête est
plus traditionnelle et familiale.
Résultats
de toutes nos recherches, nous décidons de laisser la fête arriver et nous
irons au centre ville et verrons bien comment cela se passe !
Dans
le journal local nous trouvons des programmes, des horaires, des itinéraires de
défilés. Aujourd’hui il est prévu une ouverture des défilés le soir, mais ce
n’est pas encore la fièvre. Nous restons nous reposer en vue des prochains
jours où nous comprendrons que nous avons bien eu raison, car il faudra
optimiser notre énergie !
Le
24 février
En
fin de matinée nos prenons le bus pour le centre ville. Nous nous sommes
renseignés 20 fois, il y aura des bus 24 heures sur 24 pendant toute la durée du
carnaval. Il ne faudrait pas que nous restions bloqués à 25 kilomètres de notre
hôtel !
Direction
le Pelourinho. Il y a trois circuits différents de défilés, un circuit qui va
de Ondina à Barra et qui suit le bord de mer sur plusieurs kilomètres. Le circuit
de Campo Grande, sans doute le plus long, dans le centre ville. Le circuit
Batatinha, qui va jusqu’à l’entrée du centre historique et qui est le plus
court.
L’itinéraire
du bus est modifié en fonction de tout cela. Il nous dépose au pied de
l’ascenseur, qui est gratuit pour l’occasion.
Nous
avons de nouveau été mis en garde contre les dangers du carnaval. Pas beaucoup
d’argent, pas de montre, pas de bijoux, pas de téléphone portable, pas de
caméra ! Il ne faut quand même pas exagérer, mais nous restons prudents.
J’ai des tenues de camouflage, un short avec de grandes poches ou mon gilet
reporter, où je dissimule mon appareil photo. Nous avons sur nous juste
l’argent nécessaire pour nous nourrir, acheter des babioles et payer un taxi de
retour en cas de problème.
Cette
première journée est calme. On est vendredi et les congés officiels n’ont pas
encore commencé. La foule est encore éparse. C’est presque plus intéressant,
car tout le monde est dans l’attente et on sent la fièvre des préparatifs. Nous
pouvons nous promener dans les rues des défilés, avant qu’ils ne commencent.
Les magasins se barricadent mais beaucoup vont rester ouverts, avec accès très
réduit. Surtout ceux qui offrent boissons et nourriture, mais avec juste une
ouverture assez grande pour échanger du trottoir, marchandise et argent.
Beaucoup
de marchands ambulants proposent des produits de carnaval : perruques,
colliers, toutes sortes d’instruments pour faire le plus de bruit possible, les
confettis sont hélas remplacés par des bombes écumantes, dont il faudra que je
pense toujours à protéger mon appareil photo !
Nous marchons beaucoup cette première journée entre le Pelourinho et l’avenue Chile. Quelques « bandas », « batucadas », « trios elétricos » commencent ici ou là à s’entraîner. Le spectacle grandeur nature ne commencera vraiment que dans la soirée quand les travailleurs auront fini leur semaine !
Déjà
sur la place du Pelourinho des mères de famille arrivent avec leur progéniture
déguisée, qui en indien, qui en baiana, qui en fils de Gandhi, … des
associations familiales reconnaissables à leurs tee-shirts défilent avec
orchestre et batucada. Les enfants tapent sur des tambours quatre fois grands
comme eux ou dansent des samba effrénées ! d’autres font la
capoeira ! De nombreuses baraques vendent nourriture et boissons. Tout le
monde est habillé de couleurs vives et gaies, même et surtout les
vieux ! …. Le service de santé veille et de nombreuses affiches et
publicités recommandent de ne pas oublier sa « camisinha »
(préservatif) ! La fête n’a pas de limite. On nous en distribue à tous les
coins ! N’empêche que ces campagnes préventives font que le SIDA au Brésil
n’est pas le fléau qu’il est dans d’autres pays, tropicaux ou non !
Nous
allons déjeuner à la cantina da lua d’où nous dominons le spectacle ! De
vrais Indiens, perdus et oubliés, ont monté leurs étalages artisanaux dans un
coin de la place. Eux ne sont pas déguisés, ils portent leurs parures
d’indiens. Ils viennent de Porto Seguro. On leur achète collier, boucles
d’oreille et arcs.
Sur
la place municipale, un orchestre se met en place ! la foule commence à
s’épaissir. Des jeunes, des moins jeunes, des carrément vieux, en habits de
fête, et toujours décontractés. Dès qu’un air de samba retentit, chacun, jeune
ou vieux, se balance en rythme !
Nous
restons une bonne partie de l’après-midi à participer avec tout le monde à
cette montée de la fièvre du carnaval. Quand la nuit tombe, les pieds en
compote, nous partons à la recherche d’un bus. Nous quittons le « bairro
alto » qui commence à se noircir de monde et redescendons par l’ascenseur,
15 mètres plus bas, où l’ambiance est de tous les jours, comme si le carnaval
n’existait pas ! Ce contraste nous frappera plusieurs fois et à plusieurs
endroits. La circulation est un peu confuse, mais nous pouvons quand même
rejoindre notre port d’attache dans des délais raisonnables.
De
retour à l’hôtel, je regarde en direct à la télévision les défilés du soir et
je comprends beaucoup de choses.
Le
carnaval de Rio est certainement le plus connu internationalement et quand nous
voyons à la télévision des documentaires ou des publicités sur le carnaval,
nous voyons toujours les défilés très riches et très costumés de Rio. Là chaque
école de samba passe l’année à préparer leurs défilés basés sur des thèmes très
précis, souvent historiques qui ont été très étudiés. Les défilés constituent
alors des concours, à savoir quelle école va l’emporter. Cette année l’école
« Vila Isabela » a gagné. A São Paulo, il s’est aussi organisé un
carnaval de défilés similaire à celui de Rio. Mais nous sommes ici à Salvador
et le carnaval auquel nous assistons n’est rien de tout cela ! C’est un
carnaval de « Participation Populaire » ! et nous allons
comprendre ce que cette publicité qui apparaît partout, signifie. Pas de défilés
costumés, mais les fameux trios elétricos ! Chacun se costume comme il
veut, mais ce qui est important, c’est de porter le tee-shirt (abadá) d’un
« bloco ». Cela donne le droit de suivre dans la rue son trio favori
et de se trémousser à ses rythmes. C’est le « bloco », qui est
encerclé par un service d’ordre tenant une corde ! Le « bloco »
peut être très compact et avec plus de quatre personnes par mètre carré, il est
difficile de danser horizontalement, alors la danse devient verticale !
Les gens sautent, c’est le « pulo » du carnaval !
Je
comprends aussi que ces défilés ne sont pas pour nous et que le carnaval du
« Pelourinho » est plus à notre dimension ! Le dimanche, nous
serons malgré nous prisonniers dans une foule déchaînée autour du trio préféré
les « chicletes banana » !
Chaque soir sur le chemin du retour vers Itapuã, nous traverserons en bus des quartiers bien plus peuplés encore que le centre du Pelourinho. Nous resterons coincés dans des embouteillages autour de Barra, nous laissant tout loisir d’observer les mouvements de foule allant et revenant des défilés, que nous n’approcherons pas !
Nous
retournons au Pelourinho, le samedi et le dimanche. Chaque jour c’est de plus
en plus animé et peuplé, mais toujours abordable. Des poupées géantes suivant
des « bandas », des batucadas, des danseurs de capoeira, et suivis
par nous tous présents, costumés ou non. Beaucoup d’hommes travestis, c’est
apparemment quelque chose qui plait beaucoup ! L’ambiance est très bon
enfant. On se désinhibe rapidement. C’est un peu fatigant pour les jambes, et
tout au long des trois jours que nous passons, nous apprenons à épargner notre
énergie. Le dimanche, quand nous arrivons au bas de l’ascenseur pour rejoindre
la place du centre, il y a une file impressionnante, représentant sûrement un
bon temps d’attente. Une jeune brésilienne rencontrée dans le bus, nous prend
sous son aile et nous fait monter une « ladeira » (petite rue très
pentue), nous disant que nous gagnerons du temps. Heureusement que nous sommes
entraînés à la marche, car la pente est vraiment très dure. Tout en montant,
elle m’explique que c’est la « ladeira » des drogués et prostituées
et qu’il ne faut surtout pas que nous passions par là un autre jour ! Ce
jour là il n’y a rien à craindre et la foule qui monte avec nous n’a rien de
menaçant ! Le sommet est atteint, mais nous arrivons sur une place où
aboutit un des défilés, juste au moment où le « trio des Chicletes
Banana » arrive. Je n’ai jamais vu cela. Nous sommes projetés par la foule
dans un recoin et nous ne pouvons plus ni avancer, ni reculer. C’est du délire
autour de nous, jeunes et vieux « pulando » (sautant en rythme) et
chantant. Tout le monde connaît les paroles par cœur ! Nous restons sur
place un moment, pensant que ça va se calmer, mais c’est parti pour durer. La
jeune qui nous guide veut aussi se dégager et nous la suivons crawlant dans la
foule ! Nous jouons des bras, des coudes, des jambes, de tout ! Un
vrai bain de foule ! Nous voyons enfin le bout arriver : la rue Chile
est plus dégagée et nous pouvons atteindre l’entrée du Pelourinho. Nous avons
perdu notre guide en chemin !
Nous
ne connaîtrons malheureusement pas le « climax » car notre avion pour
Porto Alegre part le lundi après-midi, veille du mardi gras qui constitue le
jour J du carnaval. Je me demande dans quel état seront le participants arrivés
à ce jour, car on a senti une fatigue grandissante. De Plus en plus nombreux
sont ceux qui récupérent dans les coins, de nuits sûrement blanches et
arrosées !
Lundi
27 février
Arrivés à Porto Alegre, l’ambiance est tout autre. Seules les rues désertes témoignent de la période de fête, les gens sont tous partis à la plage ! Nous profitons avec R, S et T de cette tranquillité inespérée de la grande ville autour d’un poisson grillé et ensuite de la piscine du « Veleiro » (yatchclub). Une piscine interdite aux visiteurs et aux bonnes d’enfants ! Véridique ! ….
Le
mercredi, les activités de la ville reprennent peu à peu. Le carnaval 2006 est
terminé et nombreux sont ceux qui commencent déjà à rêver au carnaval
2007 !
Le
jeudi nous prenons un bus pour le Santa Catarina, bus de luxe à deux étages.
Sept heures de voyage pour arriver à Florianopolis et de là un taxi nous amène
à Juréré internacional !
à suivre ….