Altamira le 03 Janvier 2001

Nous voilà revenus de notre périple nordestin (le Nordeste, c’est la région de Bahia).

Nous avons pris le bus à Belém le 23 décembre, direction Salvador da Bahia. En principe, 37 heures de bus sont prévues, mais comme pour la SNCF, la ponctualité des bus brésiliens serait-elle devenue légendaire ? Il a fallu près de 48 heures pour atteindre notre but. Il n’y a eu que des problèmes et en plus du fait d’être abominablement ballottés, à cause des trous énormes dans les routes (l’expédition vers le fond du bus où sont les toilettes est vraiment très périlleuse !...), nous avons affronté plusieurs pannes, tantôt à cause de l’air conditionné (et alors c’est l’étouffement car toutes les fenêtres sont condamnées) et le plus souvent à cause de crevaisons. Le bus est pourtant réputé confortable " executive " ou " semi-leito ", malgré cela ce fut très éprouvant. Je n’ai pas de souvenir aussi désagréable des autres voyages en bus que j’ai pu faire au Brésil. Le pire pour moi était de ne pas pouvoir étendre les jambes et trouver une position confortable pour dormir. J’ai fait des oedèmes des jambes et des pieds et quand on est arrivé à Salvador, j’avais des jambes d’éléphant ! ... Enfin, un voyage maudit !

La seule distraction au long du voyage est de regarder défiler le paysage (impossible de lire tant on est secoué par la route défoncée) ou de tenter de dormir. Dominique n’avait pas l’air d’avoir de problème à trouver le sommeil, d’après le bruit qu’il faisait en ronflant ! Pour moi ce n’était pas du tout évident et j’ai passé deux nuits quasi blanches, à chercher la croix du sud dans un ciel étoilé comme j’avais rarement vu : un vrai bain d’étoiles !

Le voyage en bateau est finalement beaucoup plus confortable car on peut se déplacer, se trouver des occupations, lire, faire des photos, se prélasser dans son hamac ...

Pour aller de Belém à Bahia, on traverse d’abord l’état du Maranhão. Des forêts de palmiers tout du long, des " babaçous ", dont les habitants se nourrissent, nourrissent leur bétail, couvrent leurs maisons, ... des petites maisons en pisé rose, couvertes du chaume des " babaçous ". La nuit, je devine dans l’ombre, des villages qui me semblent dignes des endroits les plus exotiques des romans de Gabriel Garcia Marquez. Des maisons entourées de cocotiers, de bananiers, de flamboyants. Mais pas spécialement pauvres, des antennes de télévision un peu partout et même d’énormes paraboles. Quand on traverse un bourg ou une ville, on peut rapidement juger de l’efficacité ou non (je dirais même de l’honnêteté ou non) de l’équipe municipale dirigeante. Tous les murs sont couverts d’inscriptions électorales, faisant l’éloge d’un tel ou d’un tel. On a l’impression que chaque habitant, même dans le coin le plus paumé et sans doute le plus analphabète, est avant tout un potentiel de voix pour les " politiciens ". On juge alors d’après la propreté de l’endroit, si ce ne sont ou pas que des promesses : certains bourgs vivent au milieu de leurs ordures, éparpillées au long des rues défoncées et dans les champs environnants, gardés par des troupeaux d’ " urubus " ; mais de temps en temps, de petits bijoux tout propres, avec des poubelles disposées régulièrement et des rues pavées et balayées, attestent d’une équipe sans doute plus dynamique et sincère.

Peu à peu, le paysage se transforme en zone plus aride, le sertão et nous arrivons dans l’état du Piauí. Le paysage rappelle l’aridité de l’Arizona, quelques buissons secs et épineux et d’énormes cactus, quasiment arborescents, c’est la " catinga " : qui a vu les films de Glauber Rocha, de Nelson Pereira, de Ruy Guerra y retrouve toute leur atmosphère. Les troupeaux sont plus rares et plus souvent de chèvres. Peu de cultures, quelques mètres carrés de manioc ou de maïs erratiques. La ville de Teresina, capitale du Piauí, grande ville, la plus chaude du Brésil dit-on, et à l’heure à laquelle nous passons, cela ne se dément pas. Hélas, le bus ne nous permet pas de voir les plus beau côtés des villes que nous traversons. Il nous emmène d’abord à la " rodoviara ", gare routière, nettement moins bien tenue qu’un aéroport et où semblent s’accumuler toutes les misères et les crasses du monde. On y reste le temps de déposer quelques voyageurs ou quelques marchandises, mais le chauffeur ne nous permet même pas de sortir (on se sent vraiment parfois pris en otage !), car la compagnie de bus a ses propres centres de ravitaillement, pas plus propres et où on se fait grassement escroqué sur le moindre fruit ou paquet de gâteau. On fait un long arrêt réparation à Petrolina, frontière avec l’état de Bahia. On n’arrive jamais à savoir combien de temps on va rester à chaque arrêt, le chauffeur nous parle toujours de 30 minutes. Finalement, à Petrolina, on y restera au moins 3 heures. Cela nous donnera le temps de prendre une douche et d’avoir l’impression de s’être un peu remis en état. C’est incroyable de constater, comme je l’avais déjà fait sur le bateau, combien les gens dans ces conditions, un peu limitées et même sordides, savent rester impeccables, souvent habillés de blanc, chaque matin ils portent une nouvelle tenue. J’imagine qu’en France, dans de telles conditions, on aurait vite l’air de clochards ! ...

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